L’appétit créatif de Catherine Jouck
Catherine Jouck entretient un répertoire de formes et de factures, de l’intérieur à l’extérieur, du figuré à l’abstrait. De cette lisière parfois menue et de ces seuils qui assurent les passages de l’un à l’autre, l’artiste sait ménager les équilibres et explorer la couleur.
Son travail est un mouvement constant entre la reproduction fidèle du réel et son abstraction, là-même où la couleur reste une caractéristique fascinante. Paysages, natures mortes, fonds marins, mers, ciels, cerfs-volants, villes, buildings, corps, portraits… Du précis au diffus, du morcellement d’aplats géométriques à l’impression d’une composition plus ouverte, ses traits de pinceau visibles s’affirment avec cette tendance à osciller entre la représentation figurée et fugitive. C’est à la fois une captation admirative du concret et la volonté d’en brouiller les pistes.
L’artiste se concentre sur des détails et en fait ses acteurs principaux. Un oursin prêt à être dégusté, le long bec d’une bécasse chassée en plein vol, un coquelicot flamboyant, le dos nu creusé par la courbe de sa colonne vertébrale, le regard clair et perçant d’une jeune africaine… Catherine Jouck explore l’intime d’un corps, d’un paysage, d’une vue quotidienne en s’attardant sur un fragment qu’elle sublime en rejouant différemment le réel.
Lorsqu’elle peint la mer et le ciel, sa touche note la mobilité des phénomènes et diluent la vision d’une atmosphère climatique et lumineuse.
Ses portraits fondamentalement photographiques attestent, entre statisme et vibration, de la possible survivance spectrale. La peau diaphane des sujets et leur regard frontal renvoie à cette interactivité froide. Les effets d’ombres, l’effacement permanent ne sont d’ailleurs pas sans évoquer le côté miroité des anciens daguerréotypes.
Les éléments inanimés de ses natures mortes reproduisent ce plaisir mimétique immobile marqué par l’étrange ambiguïté entre la douceur et le danger.
Cette brutalité subtilement contenue s’exprime en fil rouge dans l’œuvre de l’artiste.
Transportés dans une vision néo-expressionniste, les corps désarticulés des habitants d’une ville à l’atmosphère kafkaïenne où la vie se superposent de façon symétrique et sans fin à tous les étages en témoignent.
Les rectangles, carrés et autres formes d’abstraction géométriques issues d’une série inspirée de l’Art déco rejoignent cette problématique de la liberté individuelle au sein d’un système.
Dans les travaux de Catherine Jouck, les références communes sont exploitées avec ce désir perpétuel d’étirer au maximum vers de nouveaux possibles. Son autre force s’appuie sur les contrastes d’une palette qui laisse surgir l’inattendu en attirant notre attention sur la potentialité esthétique des sujets. Le gris et le noir dilué des crustacés, le rouge éclatant d’une nappe, l’explosion des tonalités d’un bouquet, le bleu dégradé mêlant ciel et mer… Dans un va-et-vient persistant entre le chaud et le froid, les teintes particulières, parfois magnétiques revêtent les incarnations contemplatives d’une artiste à l’appétit créatif.